Chiche ! Chambéry (73)

Le Régionalisme, fer de lance de la révolution lente

2001

"Prôner l’atomisation de notre pays dans une Europe des régions, c’est ne pas comprendre la France comme personnalité structurée et comme acteur de l’Histoire. C’est méconnaître cette grande et puissante réalité qu’on appelle "le peuple français" qui vibrait déjà à Bouvine, qui se découvre à Valmy et se lève à tous les grands moments de notre histoire." "La "länderisation" de la France n’est pas un point de passage obligé vers l’Europe. Elle serait une régression à la fois historique et morale : le message de la citoyenneté, de la laïcité, de l’égalité n’a-t-il donc plus besoin d’être porté, en Europe et dans le monde ?" Jean Pierre Chevènement, Le Monde, 24/11/00 Ils sont malheureusement nombreux les semi-fasc... pardon, les Républicains qui pleurent la fin de la grande République Française, horizon indépassable de la Démocratie et des Droits de l’Homme, phare des Nations, de l’Univers et du genre Humain, porteuse de la flamme de la Liberté (des guerres napoléoniennes à la guerre d’Algérie). A leurs yeux, le réveil des régions et des identités culturelles équivaut au retour du féodalisme, du clanisme, et on se dirige à grands pas vers une "balkanisation de la France". D’ailleurs, le régionalisme serait le cheval de Troie du libéralisme et du Marché (cf. Madelin), voire de groupes néo-nazis.

Ça va vous surprendre, mais on n’est pas trop d’accord. Nous, on conçoit le régionalisme (malgré que le terme en lui même soit assez creux) comme un projet alternatif de société.

LA REPUBLIQUE UNITAIRE A LAQUELLE NOUS NE CROYONS PAS.

Le régionalisme se définit en réaction contre l’Etat-Nation, contre l’impérialisme du centre (Paris), contre la violence, symbolique et réelle, qui en est issue. Et là, on nous sort : oui, mais, attention, la République est porteuse de démocratie et de Droits de l’Homme. Ah bon ? Historiquement, pourtant, l’Etat-Nation républicain est-il autre chose que la forme politique nécessaire à la concentration des moyens de production dans les mains des classes dominantes, et à la constitution de débouchés, de marchés, au prix de guerres et de colonisations ? Jetons en préalable aux oubliettes la nostalgie d’un "âge d’or" républicain dont se souviennent très peu les victimes de Sétif. La Démocratie et les Droits de l’Homme sont des valeurs universelles, donc applicables par tout ordre politique y compris "régionaliste", et le centralisme jacobin a plutôt démérité dans leur application.

Ce serait de toute façon une erreur stratégique stupide de laisser la problématique régionaliste et la question de l’identité à l’idéologie libérale ou à l’extrême droite. Notons d’ailleurs que les récentes prises de position de Madelin, ou le nouvel intérêt des gens du Front Nazional pour l’identité régionale, ne sont que des tentatives de rattraper leur retard vis à vis des aspirations de la population qui ont été recréées en majeure partie par le travail du "régionalisme de gauche".

LE REGIONALISME AUQUEL NOUS CROYONS.

Le régionalisme est une lutte pour la reconnaissance de l’identité culturelle des peuples, et pour le droit de vivre, travailler et décider au pays. S’agit-il de se renfermer sur son identité ? Non : le consanguin, ça craint. Mais ce n’est pas parce qu’on a une identité qu’on exclut celle des autres. Au contraire, avoir été depuis l’enfance confronté à la diversité culturelle enseigne aussi la relativité culturelle. Ça apprend la curiosité, l’ouverture et le respect de l’autre. Les Français doivent reconnaître qu’une culture, si belle et glorieuse soit-elle, reste limitée par rapport à la diversité existante.

C’est d’ailleurs exactement comme ça que ça marche pour l’autonomie : j’ai le droit d’exister, de m’épanouir et d’être moi-même, mais je reconnais ce même droit aux autres, et d’ailleurs c’est tous des potes. On ne peut d’ailleurs pas comparer l’homme autonome tel que nous le concevons, et l’homo œconomicus individualiste et égoïste de l’idéologie libérale. Et bien il y a la même différence entre une région qui vit son identité comme moyen poético-révolutionnaire, et une région qui utilise son folklore pour attirer les touristes, pour valoriser économiquement ses produits, et pour faire de l’argent. Le régionalisme favorise la construction de l’autonomie individuelle comme projet politique.

Le droit de travailler au pays réagit contre l’émigration forcée, et ne saurait de même accepter un système économique qui force des personnes à émigrer, où que ce soit. Le droit des peuples de se nourrir eux-mêmes exclut de mettre sous perfusion alimentaire les autres peuples. Donc, le régionalisme auquel nous croyons n’est en rien compatible avec une économie libérale mondialisée. C’est au contraire son alternative.

METTONS DES COULEURS DANS NOTRE REVOLUTION...

Le régionalisme est une lutte de mi-parcours, une lutte de reconquête de droits culturels et de réapprentissage de la démocratie à un niveau plus proche du citoyen, donc à un niveau qu’il perçoit mieux et où il est plus à même de s’investir (et qu’il est plus à même de contrôler). La continuité idéale du processus serait une localisation encore plus poussée des choses publiques et de la vie démocratique. Tout le monde tenterait de vivre son autonomie, en ayant sa propre identité que personne ne songerait à contester ou à mépriser.

La construction de niveaux supra-régionaux est évidemment nécessaire, ne serait-ce que pour la mise en place de mécanismes de péréquation, ou pour la défense des Libertés fondamentales. Mais gardons en tête que plus la politique est proche du citoyen, plus elle est contrôlable (relisez Montesquieu pendant les vacances).

Quelles politiques en faveur des langues régionales ? La première étape est la modification de la Constitution et la ratification de la Charte des Langues Minoritaires. Mais l’essentiel reste la promotion des langues régionales. Au Pays de Galles, les gens se plaignent que seulement 25% de leurs enfants soient scolarisés en gallois. Les jeunes bretons, eux, ne sont que 1% à être scolarisés dans leur langue (on ne parle même pas de l’enseignement en Gallo). Il est clair qu’une telle mise à la marge ne permet pas à une langue de survivre. Ou plutôt si, elle survit, mais elle ne vit pas. La promotion d’une langue c’est avant tout de donner la possibilité à tous ceux qui le souhaitent d’être scolarisés dans leur langue, ou au moins d’avoir un enseignement de leur langue (et ça vaut aussi pour les langues des communautés immigrées).

La promotion, c’est également la possibilité d’utiliser sa langue dans la vie quotidienne, dans les commerces tout comme dans les services publics (hôpitaux, maisons de retraite, postes, mairies, CAF,...). La promotion, c’est aussi donner une place égale aux différentes langues vernaculaires d’un lieu, que ce soit sur les panneaux routiers ou dans les médias (TV et radios publiques en langues régionales).

Promouvoir le breton et le gallo en Bretagne (oui, oui, pas ailleurs), ce n’est pas un enfermement sur des langues restreintes. Au contraire, le modèle c’est les pays nordiques, où le bilinguisme aboutit au multilinguisme. Les jeunes bilingues seront plus aptes à apprendre le tchèque, l’allemand, l’anglais, le catalan, et même pourquoi pas le français (on n’est pas sectaires).

A la base du régionalisme, on met la démocratie. Et par exemple le respect des Bretons quand ils demandent le rattachement de la Loire Atlantique, le respect des Basques du nord quand ils demandent la création d’un département, la consultation des Corses sur l’avenir de leur pays, de même que pour nos copains Guyanais, Guadeloupéens, Alsaciens, Réunionnais, Occitans, Martiniquais, Catalans du nord... Bref, Liberté pour tout le monde.

Voilà, voilà. Tout ça pour dire que, bon, les délires chevènementistes et jacobins, ça nous fait vraiment de la peine (si, si). Surtout de la part de quelqu’un qui, quand il était ministre de l’Intérieur et donc ministre des Cultes, rémunérait directement le clergé alsacien et mosellan (passée à la trappe, la République une, indivisible et laïque).


Accueil du site | Contact | Plan du site | Espace privé | Statistiques | visites : 0

Suivre la vie du site fr  Suivre la vie du site Chiche !  Suivre la vie du site Textes de référence   ?

Site réalisé avec SPIP 1.9.2c + ALTERNATIVES

Creative Commons License