Nicolas Hulot fait-il avancer l’écologie ?
octobre 2007
Nivellement par le bas
Alors que Hulot propose aux candidat-e-s une déclaration de bonnes intentions (vous en connaissez, des candidat-e-s qui affichent de mauvaises intentions ?), l’Alliance pour la planète propose de son côté de noter leurs propositions en passant au crible leur programme entier : commerce et industrie, transports, aménagement du territoire, énergie, logement, santé, etc. Ce groupe d’associations environnementales (2), dont beaucoup sont en pointe dans leur domaine (déchets, OGM, nucléaire, pollutions chimiques, etc.) et certaines sont généralistes (les Amis de la Terre, Greenpeace), note donc les programmes. Et met ainsi en lumière d’éventuelles incohérences entre les déclarations pour « le jour où on cause d’environnement » et les propositions concernant d’autres secteurs.
Résultat : les candidat-e-s qui soumettent la totalité de leur programme à des préoccupations écologiques arrivent en tête, les autres, ceux de l’écologie du dimanche, se prennent des gamelles. Toutes les politiques ne sont pas égales.
Dans le cadre du pacte écologique au contraire, tout se vaut, puisque tous les programmes sont remis à niveau par une seule signature. C’est l’indifférenciation d’une écologie de fond avec une écologie de façade. On demande souvent si les Verts ont fait avancer l’écologie en politique, puisque après tout on pourrait imaginer que chaque fraction de l’échiquier politique s’emparât de ce thème... eh bien justement, l’écologie n’est pas un thème. C’est une base idéologique, une base à la pensée du monde.
Entretenir la magie
S’agit-il d’incantations magiques ou de schizophrénie ? On nous parle de créer une nouvelle économie « écologique », comme il y a eu une économie numérique, pour atténuer les problèmes cruciaux auxquels est confrontée la planète. On nous parle de créer une « gouvernance écologique » qui règlera les problèmes environnementaux au niveau mondial. Pas question de remettre en cause l’absence de conditions environnementales à l’OMC, de mettre en question les fondamentaux de l’économie actuelle, celle dont la consommation de ressources et d’énergie provoque effet de serre et pollutions diverses. Au mieux peut-on demander aux ménages de prendre sur eux au quotidien quelques gestes qui permettent de réduire notre empreinte écologique.
Demander aux individu-e-s de faire des efforts pour fermer l’eau pendant leur brossage de dents quand ils et elles voient que l’on subventionne l’agriculture irriguée ?
Des efforts pour faire la charité à l’Afrique quand le fric de la PAC met en danger bien plus sûrement l’agriculture du continent ?
Des efforts pour acheter bio quand Rhône-Poulenc sponsorise les émissions télé et tue la vie dans les sols ?
Des efforts pour rouler à vélo quand les transports en commun sont indignes ? quand les politiques ne cessent de dire que l’industrie automobile tire la croissance ?
On dit aux Françaises et aux Français que c’est la croissance qui permet aux plus faibles d’avoir encore à manger. On leur dit aussi que c’est cette croissance (quand elle est chinoise) qui cause les problèmes environnementaux : pollution et disparition des ressources naturelles ; effet de serre, désordres climatiques, sécheresse à venir.
Des silences complices
Pourtant c’est sur ce mode individualisant les préoccupations, ce mode quotidien et positif, et de fait largement dépolitisé, que Nicolas Hulot s’adresse au grand public. Silence sur les possibilités de politiques publiques qui accompagneraient un impact moins fort sur la biosphère. Pas de remise en cause de la grande distribution et de sa destruction organisée des structures de production et de distribution locales, au profit des stocks roulants sur nos autoroutes.
Rien sur la soumission de l’agriculture à l’industrie chimique (en attendant pire). Oui, la fondation Nicolas Hulot est financée par E. Leclerc et Rhône-Poulenc, que voulez-vous ? Avec cet argent et ces moyens on peut s’adresser à un plus large public, et ainsi, petit à petit, faire avancer la prise de conscience... sur quelles bases ? La base du robinet-fermé-pendant-qu’on-se-brosse-les-dents ?
La fondation Hulot a publié chez Librio, à un prix modique, un manuel qui présente les grands sujets environnementaux d’une manière à la fois synthétique, objective et claire. Eau, déchets, biodiversité, énergie, tout y est ou presque. Sauf que... à la page « biodiversité », le livre présente le conservatoire national de la biodiversité, qui en France répertorie les semences les plus variées de notre patrimoine végétal pour les garder dans des conditions de température et d’hygrométrie parfaites.
Waw. Sauf que, même dans un confort parfait, tout être vivant meurt un jour... et les graines sont des êtres vivants. Et dans le même temps, les autorités organisent la mort de ces graines dans les champs, là où elles vivent et se reproduisent, en interdisant la vente, l’échange ou le don des semences paysannes. Elles sont des milliers à ne pas avoir droit de cité ailleurs que dans les mouroirs de l’Etat (voir « Des blés de toutes les couleurs », Pastèque d’octobre 2005). Que peut-on penser de ce silence ? Incompétence des rédacteurs/ices du petit bouquin ou mauvaise foi ? Oubli déconcertant ou clin d’oeil à Monsanto pour qu’il devienne sponsor de la fondation ?
L’écologie politique est complexe. On peut néanmoins en faire comprendre les enjeux à tou-te-s, à condition de ne pas prendre le grand public pour une horde de gogos nombrilistes et incapables. Ou de citoyen-ne-s sous influence, ou de client-e-s qui doivent sortir la carte bleue au bon endroit. Nicolas Hulot, en se contentant d’appeler à une culture environnementale réduite, aussi hors-sol qu’une tomate en janvier, ne présente certainement pas la pensée cohérente digne de l’initiateur d’un important débat public.
Dernière chose : Aviez-vous oublié ce candidat arrivé parmi les dernièr-e-s dans le classement de l’Alliance pour la planète ? Elève Sarkozy, 8,5/20. L’amitié des deux Nicolas ne s’arrête pas à ces détails.
(1) L’environnement (N. Kosciusko-Morizet) et les transports (D. Bussereau) sont des compétences propres au super-ministère. L’énergie et l’aménagement du territoire sont co-gérés (via la Direction Générale de l’Énergie et des Matières Premières ou la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires) avec le ministère de l’Economie et le Premier ministre.
(2) www.lalliance.fr