Encore des emplois à supprimer...

« Ça créera des emplois. »

C’est l’excuse à la mode. Que l’on construise une centrale nucléaire, invente le nouveau gadget qui ne sert à rien ou jette son paquet de clopes vide par terre. Y’aura toujours un pauvre gus, un gosse, une femme, qui se fera irradier (et irradiera les autres, merci), qui fabriquera des merdes dans une usine chinoise vétuste, ou qui passera ses journées le balai à la main à nettoyer les merdes des autres. Et qui sera content-e. A votre service, pourvu qu’on bouffe. Bien sûr l’intérêt collectif sera malmené. Bien sûr ces boulots seront néfastes aussi bien pour l’environnement que pour celui-celle qui l’exercera, qui se rendra malade à travailler vingt heures par jour ou par semaine. Mais voyez-vous, créer des emplois, c’est le seul moyen qu’on a trouvé pour répartir un peu moins mal les richesses.

Vive la croissance

Créer des emplois, ça veut dire créer des produits, et puis créer des besoins pour écouler ces produits. On pourrait se contenter de produire ces yaourts qu’on aime manger de temps en temps parce que c’est plein de calcium ces petites choses là. Mais ce n’est pas assez, il faut inventer un nouveau yaourt (brassé à la bulgare, zéro pour cent, à la grecque, sans compter celui avec plein d’enzymes), ajouter un nouvel emballage (plus haut que large ou plus large que haut ?). Et puis on cherche à vendre ce yaourt à tout prix. Réfléchissons un instant : si un produit est bon et utile, il se vendra tout seul, pas besoin de pub ou de commerce. Combien pourtant de personnes passent leur temps à vendre leur yaourt, entre la démonstratrice au supermarché et l’inventeur de la crème de yaourt ? Si on marche sur la tête comme cela, c’est parce que l’initiative individuelle appelée capitalisme offre à chacun la possibilité de gagner plus de pognon que l’autre en vendant plus de yaourt. En inventant un créneau le capitaliste crée de l’emploi donc du mal-être, il crée de la richesse donc de la pollution. Bien, ça, coco. La croissance, créatrice de richesses ? Le problème de nos sociétés occidentales est moins la création de richesses que leur meilleure répartition.

Alors, quoi ?

Si la productivité des entreprises ne cesse d’augmenter, le moins que l’on puisse faire est de baisser le temps de travail, pour garder une même pression salariale sur l’entreprise (la partie des richesses crées par l’entreprise qui revient au salarié ne se réduira plus comme peau de chagrin). De quatre-vingt heures hebdomadaires, on est passé à soixante, et puis quarante. A l’heure où l’on passe aux trente-cinq heures et où les écolos en demandent déjà trente-deux, nous préparons les évolutions à venir et pensons déjà qu’un jour pas si lointain il faudra une durée hebdomadaire du travail égale à vingt-cinq, vingt, etc.

Une plus grande autonomie

Un de ces jours on va travailler dix heures par semaine, à savoir deux heures par jour. On aura augmenté notre productivité, mais surtout on aura éliminé plein d’emplois. On consommera moins, on sera moins con. Et au final on aura augmenté notre autonomie. Plus d’usines dans lesquelles on produit des plats cuisinés, plus de MacDo. On aura le temps de faire son marché et de cuisiner tout seul, pour manger avec les copains ou les voisins. Plus de crèches. Les papas et les mamans, libérés de leur travail, garderont à tour de rôle les enfants des uns et des autres. Plus de femmes de ménage, on ne mettra pas sa merde dans les lieux publics, et chez soi on la ramassera tout seul. Plus d’usines de voiture, plus de conducteurs de bus. On n’ira plus au boulot, ou si peu, qu’une grande partie de nos déplacements n’auront plus aucune utilité. Et on ne sera plus pressé, on pourra les effectuer à pattes ou à vélo.

Relocaliser l’économie

Contre la mondialisation et ses délocalisations, relocalisons au maximum l’économie. Rendons-nous autonomes. Plombier-e-s, assistant-e-s maternelle et cyclistes, les hommes et les femmes de demain seront polyvalents et autonomes. Et leur bien-être sera le terreau de nouvelles solidarités. Le travail aura laissé place à l’activité.